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Hell Hole
Clifton
,
Australia
Jeudi 6 janvier, en partant de Warwick, il pleuviote, on voit même un peu de ciel bleu, c’est encourageant. Ces journaux télévisés doivent être un mirage, ces inondations c’est de la connerie, jamais le nombre toujours croissant en bas à gauche de l’écran ne signifiait que des gens s’étaient noyés, jamais il n’y a eu de maisons emportées par les flots, jamais il n’y avait eu de sacs de sables à remplir, tout ça est une machination du gouvernement pour faire dépenser toutes leurs économies aux travailleurs/touristes en leur faisant croire qu’il y a du travail en Australie alors qu’en fait, tout ce qu’on y voit ce sont des pubs de campagne miteux avec leurs clients au mullet et chemise de travail fluo, un pick-up garé à l’entrée, des supermarchés ou le kilo de tomates qu’on a ramassé a Bundaberg coute $9 et des eucalyptus a perte de vue.
Pendant ce temps-là, les abeilles butinent les fleurs d’eucalyptus et en font du miel qu’on leur vole pour le vendre à un prix exorbitant dans ces mêmes supermarchés, alors il doit bien y avoir du travail pour nous chez cet apiculteur.
On va faire une orgie de gelée royale, on va sentir le sucre fermenté sur nos doigts bouffis par le sucre, on va côtoyer ces abeilles dans leur petites maisons alvéolées et artificielles. Mais au fond de moi je sais que tout ce que disait l’écran géant de l’hôtel magique (Toowoomba vient de subir une inondation éclair, 100 kilomètres au-dessus de nos têtes), est véritable, et que ma première réaction au discours imbécile de ce type au téléphone (ce mec est en carton) est une hypothèse sure quant à ce qui nous attend chez l’apiculteur. On va tout droit dans la gueule du loup, voilà la vérité que nous chuchotent les essuie-glaces toujours en marche.
Il pleut à nouveau des cordes quand on arrive à Clifton après une demi-heure de route détrempée et glissante. On ne voit pas le décor à travers l’eau ruisselante.
Clifton, une autre rue avec sa maison de la presse, son bureau de poste, son hôtel/bar et ses quelques autres business inutiles à nos yeux.
On emprunte la route résidentielle qui mène à la propriété de cet apiculteur. Sur notre gauche s’étalent des maisons en bois cachant d’autres sections résidentielles ; à notre droite quelques maisons sur pilotis bas, dans leur jardin on peut y apercevoir çà et là des vieux moteurs, des sacs de toile vides ainsi que des détritus en tout genre certainement encore utiles à quelque chose. Derrière ces maisons, l’Australie qu’on côtoie nous offre un de ces décors dont elle est maîtresse : des champs à perte de vue.
En arrivant à destination on tombe sur Mike, un philippin avec un sourire moustachu qui nous dit que le « boss » n’est pas loin. Il ne se passe rien. Pourtant il est encore tôt dans la journée. Un autre gars se balade et une autre philippine s’affaire autour du camion avec un masque et un pinceau. Au moment où on entame un bref échange fort cordial avec Mike, (d’emblée il nous a dit que « c’est bien de travailler ici »), un vieil homme s’avance en s’appuyant sur une canne, sa peau est ravagée, comme celle de tous les vieux australiens blancs qui ne supportent pas le soleil et surtout qui ne se sont jamais protégés puisque la réalisation que les UV sont dangereux est encore fraîche. Ça vaut pour le monde entier mais le soleil pique la peau ici plus qu’ailleurs.
Le vieil apiculteur s’avance toujours lentement vers nous.
Bref regard a notre nouvel ami qui nous le rend en souriant, au dépend du « boss » je présume.
Le vieux nous tend une main et il serre la nôtre avec force en nous regardant dans les yeux imperceptiblement trop longtemps pour rester agréable avant de s’écarter et de nous servir un :
-« mmhh toi tu me plais » (en se tournant vers Cherryne)
-« mmhh toi t’es grand c’est bien » (en s’adressant à moi)
-« Bonjour…. »
-« regardez-moi (à ce moment il a fini d’osciller sur le mètre qui le séparait d’un fût métallique vide, où il s’assoit lourdement) je suis un vieux bonhomme, je suis le propriétaire de cet endroit, j’ai deux maisons dans la rue et une autre a Toowoomba, j’étais le numéro un du miel a la grande époque, maintenant je suis vieux (et nous acquiesçons silencieusement), mes capacités sont réduites vous le voyez bien, j’avais beaucoup plus de ruches que je n’en ai maintenant (nos regards se tournent vers ces hypothétiques ruches), elles sont à Texas, a 150km d’ici ; ici on ne fait que de l’extraction, j’ai très peu d’employés, ici vous avez Mike, le conducteur du camion (du menton il montre Mike qui sourit toujours) mais ça fait 15 ans qu’il travaille pour moi et il ne sait toujours pas conduire. » (Échange de regards mal aisé à Mike qui sourit toujours en haussant les épaules. Retour sur le vieux qui rit, alors on force un sourire).
Coup de canne sur le sol.
« C’est difficile de compter sur quelqu’un pour faire ce qu’on lui demande, heureusement j’ai une femme magnifique qui fait des études pour devenir avocate, elle est magnifique, c’est moi qui paye pour ses études, un jour elle s’occupera de tout ici ; c’est déjà elle qui s’occupe de tout ici, elle est magnifique, elle vient des philippines, elle est beaucoup plus jeune que moi, Mike est un de ses cousins, et vous rencontrerez Zita, qui s’occupe de toute la partie technique, c’est un docteur que j’ai trouvé aux Philippines, elle était chercheur à l’université, elle faisait des recherches sur les abeilles alors je lui ai proposé de venir travailler pour moi, en Australie, et vous verrez sa fille, elle est magnifique, une vraie beauté noire, je l’appelle la black beauty.»
Coup de canne sur le sol.
« Je suis très généreux, j’ai acheté cette voiture pour les employés, la noire qui est la bas (il tend sa canne en direction d’un SUV de mauvaise qualité mais flambant neuf), je l’appelle la beauté noire, comme la fille de Zita.
Je suis un très vieil homme. Je suis très généreux vous verrez. Ma sœur habite une maison dans la rue, au 45, la maison rose, elle est plus jeune que moi et c’est une peintre très connue en Australie et dans le monde entier, Margareth Olley vous connaissez ? Elle est allée en France et elle est devenue alcoolique, la tentation, la France vous comprenez (là on lui dit que ça aurait pu lui arriver n’importe où mais il ne nous écoute pas). J’ai besoin de gens sur qui je peux compter, ce travail est très difficile, je suis sûr que vous n’y arriverez pas de toute façon, c’est très technique, il ne faut pas être idiot pour travailler à l’extraction du miel, et on se fait piquer tout le temps dans les ruches, non vous ne tiendrez pas.
Et puis de tout ce que j’en sais vous pourriez être des fous dangereux. Cherryne, tu es très jolie, mais on ne se connait pas, peut être que vous faites de l’échangisme. Vous faites de l’échangisme ? »
-Non
Et il rit, alors on sourit jaune en se regardant, en maudissant déjà d’avoir pris la décision de venir.
-J’essaye juste de savoir un peu qui vous êtes
-On est juste là pour le taf…on pensait vraiment que vous aviez un travail à nous proposer…
30 minutes se sont écoulées.
Le manque de patience doit se sentir sur nos visages malgré tous les efforts qu’on fait pour continuer de sourire et d’affluer dans le sens du vieux par mouvements de tête ou répliques toute faites et étouffées jusqu’à ce qu’il en vienne au fait.
-Regardez-moi, je suis un très vieil homme, je viens de me livrer à vous mais je n’ai rien en retour, j’ai besoin de connaitre vos mauvais côtés.
Nouveau sourire forcé en lui disant qu’à notre âge on ne connait rien qui pourrait nous faire flancher.
Il nous demande de le suivre jusqu’à la maison qu’il occupe pendant la saison de travail. On va rencontrer sa « magnifique » femme.
On le suit en perdant l’équilibre à chaque pas tellement il avance lentement avec sa canne. On monte une volée de marche en matant le cul informe du vieux qui nous précède dans un endroit extrêmement sale et qui pue le chien mouillé, 4 petits cabots se jettent sur nous en aboyant, un son strident, et le vieux nous présente Shirley, 40 ans, celle qui au téléphone avait l’air sympathique et qu’on voit maintenant ressemblant à une effigie de cire (son visage est gris) avec une coupe de cheveux déjà horrible dans les années 80, et qui nous demande si on peut la renseigner sur Paris :
-Je veux connaitre quelqu’un avant d’y aller, vous y êtes l’année prochaine, je veux y aller l’année prochaine ?
-Non, on veut renouveler notre visa. (D’autres questions, petite effrontée)
Elle nous prépare un café mais nous dédaigne totalement. Sa femme est un magnifique et véritable boudin. On est assis en face du vieux au milieu du salon qui est en fait un bureau. Shirley retourne dans une autre pièce prétextant un examen de droit qu’elle doit envoyer avant la fin de la journée. Le café est dégueulasse. Je le regarde en même temps que le vieux nous parle et je grimace a l’idée de devoir ingérer une deuxième gorgée avant de poser ma tasse une bonne fois pour toute, histoire de faire semblant dans les règles.
-Je vous avais dit que ma femme est magnifique, n’est-elle pas magnifique ?
Je manque de m’étouffer avec cette foutue deuxième gorgée.
Sourires forcés.
-Bon je n’ai pas vraiment de travail pour le moment, avec les intempéries les abeilles butinent beaucoup moins et il n’y a vraiment pas grand-chose à faire, ma femme est magnifique, je suis un très vieil homme, à votre avis j’ai quel âge ?
-J’sais pas 73 et sept mois. (Cherryne qui est enfoncée dans sa chaise murmure un nombre que je n’entends pas)
-Ma femme est magnifique, un jour elle s’occupera de tout. Je suis plus vieux que ça, mais Cherryne sait quel âge j’ai, tu lui demanderas (en effet Mike lui avait dit : 84 ans. Et le vieux l’a entendu. Alors sénile ou complètement fou ?). Elle fait des études de droit…
-Est-ce que ça veut dire qu’on peut faire une semaine d’essai ?
-Ce n’est pas si facile, puisqu’il n’y a rien à faire, je ne peux pas vous proposer grand-chose. Tu sais couper des haies ? (Il se trouve que j’avais aidé la mère de Cherryne à couper ses haies avec un véritable coupe-haie alors sans mentir mec: oui)
-Oui.
J’ai du réfléchir trop longtemps, il ne m’écoute pas.
-mais je suis généreux, vous pouvez habiter dans une de mes maisons dans la rue, à cote de celle de ma sœur, au 41, jusqu’à ce que vous trouviez un travail. Une fois que je vous connaitrai mieux, peut-être qu’on ira à Toowoomba pour couper les haies autour de ma maison, peut-être qu’on commencera par les haies de la maison dans laquelle vous pouvez emménager.
-Allons rencontrer Zita…
Et on le suit et on l’entend faire des blagues racistes et pédophiles sur la fille de Zita alors qu’elle est juste là, elle sourit en nous regardant, il nous dit que grâce à lui elle a une vie meilleure parce qu’être docteur aux philippines n’est pas suffisant et le très gentil docteur sourit toujours en acquiesçant derrière le vieux pourri, alors qu’elle voit maintenant sa fille harcelée par celui qu’elle appelle « yes Boss » et qu’elle travaille dans la mélasse pour 900 dollars par semaines ayant échangé la blouse blanche et les horaires réguliers d’un travail d’universitaire contre 12h00 par jour de jogging poisseux et de « boss » qui lui ordonne de répondre au moindre de ses caprices mais qui lui dit qu’elle ne sait rien faire. Quel merdier.
On se retrouve dans une voiture, Zita conduit « la black beauty » (dans ma tête résonne la phrase du vieux « La black beauty c’est comme la fille de Zita, des gros parchocs, c’est une black beauty, vous verrez, elle est magnifique, elle a 16 ans »).
On a passé la dernière heure en apnée, dans la voiture on reprend notre souffle.
-Mais ton boss est complètement fou ou quoi !!! ?
-Oui mais il faut apprendre à le connaitre, il n’est pas méchant, c’est juste un très vieil homme. (mouais, tu vendrais ta fille pour $1000 que j’ai envie de lui demander, mais elle est gentille, alors on sourit)
Et on va faire des courses, la superette est hors de prix, il n’y a pas de pain, d’ailleurs on aurait pu y aller tout seul. Qu’est-ce qu’on fout dans cette voiture ?
Et va prendre un « snack » fait de ‘grilled cheese and ham’ et de sprite chez Zita. On rencontre son black boudin de fille et elle nous raccompagne dans notre nouvelle maison, après nous avoir dit de venir le lendemain matin pour « qu’il nous prenne à l’essai », il faudra apparemment mériter ce travail d’apiculteur. Alors cette petite escapade inutile était uniquement faite pour nous tester ? Incrédulité. On avait néanmoins décidé de passer la nuit ici, il était trop tard pour retrouver un motel hors de prix.
La maison est grande et plutôt propre pour une maison inhabitée depuis on ne sait combien de temps. Zita met l’électricité et nous dit bonsoir. C’est la première fois qu’on occupe une vraie maison depuis bien longtemps, on se dit que si les jours comptent pour le visa et qu’on loge gratuitement rien n’est perdu. Pourtant on ne prendra jamais l’habitude de cet endroit.
Le lendemain, on se lève beaucoup trop tôt, on parcourt en voiture le kilomètre qui nous sépare de l’exploitation du vieux. On rencontre un gars qui fait de la maintenance. Mike et Zita sont là. Le vieux aussi. Sa « femme est magnifique et le job est dur ». On en prendra encore plein les oreilles. Les pains de wax qu’il vend à l’Oreal et Maybelline « doivent être parfait. C’est très dur de filtrer la wax ».
Pourtant c’est drôle parce qu’elle sort juste par un robinet, d’un caisson artisanal grand comme deux baignoires, on regarde Zita couler la wax dans des moules, le vieux lui dit que ce n’est pas comme ça qu’on fait, cela fait « juste » 5 ans qu’elle y travaille. On enlève du miel de quelques pots. On nous demande d’aider le gars de la maintenance qui va réhabiliter un des 3 mobiles homes sans portes qui servent de cuisine, toilettes et débarras aux employés et qui se trouve le long de l’entrepôt. Il nous dit qu’il vient juste d’avoir un cancer quelque part dans le dos.
Acquiescements compréhensifs.
Dans la « cuisine » l’odeur est intenable, les mouches règnent sur la place, une couche de graisse de 15mm couvre les murs, un tas humide d’affaires inutiles et sales jonche le sol et les étagères, un trou s’est formé dans le plancher, le bois est rongé par la pourriture. Zita me fait un café (j’ai répondu oui automatiquement, il faut absolument que je perde ce reflexe), un autre jus de chaussette qui finira par terre. On met des gants et on transvase ces affaires dans le mobil home mitoyen.
Et puis on reprend une leçon sur la femme du vieux, une autre sur le pouvoir d’attraction de la fille de Zita. Il nous dit aussi que comme on l’a bien vu, la chaine d’extraction ne fonctionne pas, le mauvais temps ne permet pas de travailler avec les abeilles trop agressives.
-Vous êtes des backpackers, vous devez avoir de l’argent. Vous avez de l’argent ou vous êtes désespérément en quête d’un travail rémunéré ??
Et puis il nous reparle des haies à couper devant la maison qu’on occupe et de celles qui entourent sa maison a Toowoomba. Il nous dit de rentrer déjeuner et de l’attendre, de ne pas revenir, il n’y a pas de travail.
Pffff. OK.
On mange, le temps passe, la télé ne fonctionne pas et on ne peut pas voir si Toowoomba est toujours inondée, je n’ai toujours pas d’ordi et on a très peu de loisirs à notre disposition. Alors 2h plus tard on retourne voir le vieux, surtout parce qu’on veut savoir si on peut partir pour faire des courses. Il nous engueule à moitié en nous rappelant qu’il nous avait demandé de l’attendre, qu’il est vieux et qu’il dormait, qu’il doit prendre des pilules. Il a un mauvais cœur.
On rentre, on tourne en rond maudissant cette pourriture. De la vapeur sort de mes oreilles. On attend.
Et au moment où on ne l’attendait plus, on entend un moteur dans notre jardin. On sort de la cuisine jusque dans l’entrée en passant par une vaste pièce en véranda qui longe tout un côté de la maison. De là on peut le voir s’extirper de son truck, Zita a déjà frappé et elle rentre par la porte vitrée. Dans une autre pièce se trouve un taille-haies. Il me demande d’aller le chercher une fois qu’il a réussi à marcher jusqu’à nous. Je prends le taille-haies après avoir hésité devant les deux boites à ma disposition, l’autre est une tronçonneuse électrique. Je le branche. Il me demande pour la 15ème fois si je sais comment on s’en sert. Je l’entends et je décide de lui répondre que oui, prenant toute l’énergie dont je dispose encore pour afficher un sourire digne de confiance. Il me dit que ça l’étonnerait. A partir de ce moment-là je décide de ne plus le regarder, ni l’écouter ou lui parler. Il me dit que Zita va me montrer. La pauvre n’a manifestement jamais utilisé de taille haie, elle l’a d’ailleurs avoué à Cherryne 30 secondes plus tôt ; elle a déjà du mal à le soulever. Elle me montre néanmoins comment faire. Je lui dis que j’ai compris et me met à l’œuvre sous l’œil inquisiteur du vieux. Au deuxième coup de taille haie, lancé comme si je l’avais fait dans une pub pour Coca Cola, chemise à carreau bleue et jean troué par le travail manuel, une goutte de sueur perle sur mon front bronzé, il me dit que ça doit être la première fois que je fais ça. (Il n’a pas tout à fait tort c’est la deuxième, mais tout de même. Et le buisson lui-même n’est pas droit).
-Vous savez qu’on n’est pas obligé de travailler ensemble, lui dis-je en arrêtant de travailler.
Il me demande d’arrêter, il me dit qu’il n’aime pas ma technique et de « ne plus me soucier de la haie, de toute façon il se remet à pleuvoir ». Il me dit que je suis un incapable et il me demande d’aller chercher Cherryne. Il lui donne un billet de $50 pour les courses dit-il et Zita et lui repartent. Zita nous dit de ne pas nous énerver.
On est abasourdi.
Le lendemain on se lève, déprimés par notre situation.
Il pleut toujours.
On se dit qu’on devrait essayer d’aller à Toowoomba faire des courses pour quelques jours et partir. En plus je dois racheter un ordinateur, merci Papa Noel. 11h00 du matin, un autre sbire philippin du vieux fou frappe à la porte. On est samedi. Il nous demande où est le taille-haie, je lui réponds aimablement en lui montrant la tronçonneuse. Pendant ce temps-là du bacon est en train de frire. J’irai lui demander s’il a besoin d’aide une fois que je serai repu. Pendant que je fais la vaisselle le vieux débarque alors que le sbire souriant avait déjà bien entamé le rafraîchissement de la haie
Coup de klaxon.
-Il est pas sérieux le papi ? il va nous klaxonner maintenant !?
Et on sort lentement et il me demande d’un ton exécrable si je j’ai offert mon aide au gars.
-non, je viens de finir de manger.
A cet instant je tiens un torchon de cuisine quadrillé de rouge et blanc dans lequel je m’essuie les mains et je regarde vaguement à travers lui.
-tu devrais avoir honte de toi, pendant que tu manges un brave garçon vient pour faire le job que tu es sensé faire…
Oh mon dieu que dire.
-Premièrement, vous m’avez demandé d’arrêter parce que je ne savais pas le faire et deuxièmement, mais vous n’allez pas me croire j’en suis sûr, j’allais lui offrir mon aide au moment où vous arriviez…
Le pauvre sbire prend notre défense et confirme qu’on était occupés dans la cuisine quand le vieux lui demande.
Il fait mine de ne pas entendre la réponse. Il continue de me réprimander sur ma conduite, il dit à Cherryne qu’il a pitié pour elle d’être avec moi. Cherryne commence à s’énerver.
Tient, de la vapeur sort de ses oreilles :
-Bon ca suffit les conneries, ça fait trois jours qu’on vous supporte et vous juger Pierre-François sur de la merde, on n’est pas là pour se faire insulter. En fait, c’est vous qui devriez avoir honte.
Le vieux entend manifestement mieux ce que les femmes lui disent, il part la queue entre les jambes et nous allons faire des courses à Toowoomba.
Il pleut toujours.
Toowoomba, 50kms au nord. Sur la droite de la route un pont de chemin de fer avait manqué de s’écrouler lors de la dernière pluie, des débris d’arbres sont coincés sur les piliers, le ruisseau est encore maintenant un petit torrent, les champs alentours sont détrempés, la route est jonchées de débris. On arrive sur l’autoroute et il se met à pleuvoir très fort. Le bruit de la pluie et des essuie-glaces est tonitruant.
On passe le lendemain au téléphone et sur internet pour essayer de trouver un plan B alors qu’on n’a même pas de plan A. On appelle l’agence d’emploi pour lui dire de ne plus jamais envoyer quiconque ici et accessoirement de nous trouver autre chose.
Il pleut fort
On entend le klaxon du vieux qui souhaite qu’on mette une poussette et quelques chaises dans une des chambres de la maison, ou qu’on ramasse un tas de feuille, on ne le regarde pas, on ramasse les feuilles parce qu’on habite chez lui gratuitement, on essaye de trouver un endroit où on peut louer des pédalos, si on se laisse porter par le courant d’une rivière en crue, on arrivera peut-être à sortir de cet enfer avant d’avoir trouvé un plan B.
Pas de nouvelles de l’agence ni de personne d’autre dans tout l’Est australien. Mais c’est dimanche, on va être patient.
Lundi, nouveau coup de klaxon, le vieux a un truc à nous faire faire, sa femme est là, on va chercher un lit pour le mettre dans une autre pièce de la maison, il frappe sa femme du bout de sa canne lorsqu’elle ne fait pas ce qu’il lui demande de la manière dont il l’aurait fait lui-même. Avec Cherryne on se regarde exaspérés et désolés pour la femme malgré sa laideur intolérable.
Plus tard, Sue de l’agence nous appelle pour nous demander si on cherche toujours du travail, elle nous propose une ferme bio, ils ont besoin de travailleurs, on ne sera pas payés, c’est la fameuse formule du WWOOFing, on travaille 4 heures par jour contre le gite et le couvert. « En attendant de trouver mieux ».
On s’était promis de ne pas donner dans ce genre d’esclavage moderne après notre première aventure dans cette ferme vers Armidale, mais cette petite semaine passée auprès d’un psychopathe à la lisière d’un champ plat sur 30km, où on n’a d’ailleurs pas gagné plus d’argent, nous prouve qu’on n’a plus rien à espérer pour l’instant.
Cet après-midi, la femme du vieux fou passe à la maison et parait surprise de nous trouver là, c’est vrai qu’on a dit qu’on partait en début de semaine.
-On n’est pas des rustres (nous) on ne serait pas partis sans vous dire au revoir. Au fait on laverait bien mais on n’a pas de produit ni de serpillère.
-Oui ben oui ce serait bien de laver oui ! Je vais voir si je peux vous donner ça.
On la reverra seulement le lendemain quand on fera un saut dans leur taudis de maison pour leur dire qu’on part. Ils semblent totalement désintéressés de notre sort.
-On espère que vous trouverez ce que vous êtes venus chercher et que la route est dégagée.
Abrutis. Au revoir.
Notre voiture a nouveau chargée de nos deux valises, d’une bouilloire, d’un toaster, d’une plaque électrique, de 5 litres d’huile (parce qu’on a remarqué que le moteur perdait un peu d’huile, rien de bien méchant, on ne s’est pas inquiété), d’un pack de bouteilles d’eau, d’une caisse de bouffe sèche et de vaisselle et d’une caisse remplie de linge de maison et d’oreillers, quelques sacs à mains et un bodyboard, il ne manque plus qu’un autocollant Vans sur le pare-choc arrière et un porte clé en forme de tong Billabong qui pend du rétroviseur et on est les parfaits backpackers comme il nous a si bien appelé. Mais puisqu’on a des valises, on préfère l’appellation « suitcasers ou dufflebaggers». Oui c’est indéniablement plus approprié, on déteste la campagne et les péquenots.
Il pleut toujours.
written by
on January 6, 2011
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