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Il flotte des nuées de maringouins sur le lac Wapizagonke

Grandes-Piles, Canada


Depuis Baie-Comeau, je reprends la route 138 qui remonte le Saint-Laurent vers Québec et Montréal. Le temps d'une escale au judicieusement nommé gîte du Roupillon, je traverse le fjord du Saguenay avec le traversier qui relie Tadoussac à Baie-Sainte-Marguerite. Je roule dans un brouillard à couper à la hache. Sans doute le fog londonien qui revient hanter ces anciennes colonies britanniques.
Le parc de la Mauricie est ma prochaine étape. C'est un des trois parcs nationaux du massif des Laurentides. Je l'ai choisi parce qu'on y trouve, paraît-il, autant de lacs que de trous dans le gruyère. Et sa devise, empruntée aux adages amérindiens, m'a paru terriblement moderne : "Nous n'avons pas hérité la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants !"
Je m'installe d'abord à l'auberge Saint Mathieu du Lac où l'accueil de Louise, la patronne, est digne de tout ce que j'ai déjà écrit sur la gentillesse des Québécois. D'ailleurs, là je plane, mais il faut que je me prépare au bad trip de la redescente en arrivant à Paris. Sinistrose garantie.
Je me lève tranquillement pour petit-déjeuner des crêpes flottant dans le sirop d'érable (pas très digestes mais tellement bonnes). Et c'est donc l'estomac plombé que j'attaque une randonnée qui pourtant, sur le papier, s'annonçait parfaitement équilibrée : 1h30 de kayak puis 3h de marche puis de nouveau 1h30 de kayak...

- Y a du monde qui sait où vous êtes ? me demande le garde forestier à l'entrée du parc.
- Évidemment môssieur. Tous les lecteurs de mon blog savent que je suis au pays des caribous !
- Pardon, mais ça pô d'bon sens c'que vous m'dites lâ
- oui excusez-moi, je voulais juste dire que non, personne de ce côté de l'atlantique ne sait vraiment où je suis. Pourquoi ?
- Juste pasqu'y faut prend' garde quand on part tout seul dans l'bouâ
- Et bien disons que si je me fais bouffer par un ours, personne ne s'en souciera avant que je sois totalement digéré...

La mise en garde n'est pas spécialement rassurante, mais il faut bien reconnaître qu'en ce début de saison, je ne croise rien qui dépasse le QI d'un herbivore (puisse l'infortunée randonneuse que j'ai "rencontrée" me pardonner, mais elle était dans une position qui ne prêchait définitivement pas en la faveur de son intellect...).
C'est d'ailleurs tout le plaisir de cette ballade : Je suis seul, perdu en pleine nature...
Remonter le lac Wapizagonke en rabaska, rien qu'à la sonorité l'idée me plaisait. Sauf que le rabaska (canoë indien) est une embarcation conçue pour deux personnes et particulièrement peu stable pour un pagayeur seul. Peu enclin à foutre mon bel appareil photo tout neuf à la baille, je me rabats donc prudemment sur un bon vieux kayak jaune fluo.
Le lac Wapizagonke (oui c'est un peu chiant à prononcer ;o) fait pas loin de 20km de long et s'étage sur cinq bassins de niveaux différents. Je dois remonter les trois derniers jusqu'au départ de mon sentier de randonnée. Au passage, je maudis généreusement les castors dont les barrages se dressent en travers de mon chemin et que je dois contourner en tirant mon kayak sur la berge. Berge boueuse au possible où je finis avec de la gadoue jusqu'aux genoux, mais je m'en fous, je suis le dernier des mohicans et rien ne m'arrête. Je peux porter mon canoë sur des kilomètres !

J'aperçois des grosses bêtes qui broutent les herbes de la rive opposée, les quatre pattes dans l'eau. Elles sont trop loin cependant pour que je puisse identifier si ce sont des cerfs ou des orignaux.
Je glisse lentement au milieu d'un écrin de verdure, et je comprends le plaisir des pêcheurs à dériver dans cette sérénité absolue en attendant que la truite vienne taquiner leur ligne.
J'abandonne mon kayak sur la berge et je prends la direction des chutes waber (ma destination du jour). Le sentier que j'emprunte est en fait une voie de portage entre le lac wapizagonke et le lac waber. Des pistes de ce genre relient, un peu partout, la myriade de lacs du parc pour permettre de faire du "canoë-camping" en passant de l'un à l'autre. Et là, grimpant entre les sapins et les érables, je suis tout d'un coup très content de ne pas être le dernier des mohicans et de ne pas devoir trimballer mon kayak jaune fluo sur mon dos...
Sur le chemin, je repère des crottes d'ours et pas très loin, les griffures caractéristiques dans l'écorce d'un boulot. Il y a aussi les empreintes d'un ongulé très costaud qui pourrait bien être un orignal.
Dans le parc évidemment les armes à feu sont interdites (c'est écrit en énorme à l'entrée), que la chasse soit ouverte ou pas. Pourtant, j'entends des coups de feu à plusieurs reprises dans le sous-bois. Mais quand la rafale de kalachnikov part juste au dessus de ma tête, je réalise qu'un woodywoodpecker en train de jouer du marteau piqueur sur un tronc creux qui fait caisse de résonance, ça sonne effectivement comme une vraie canonnade.
Les maringouins (comme les québécois appellent les moustiques) sont un vrai fléau ici. Il en flotte des nuées au dessus des eaux calmes du lac et dans la fraicheur des sous-bois. Heureusement, j'avais prévu le coup, et quand je sors mon arme chimique de destruction massive (achetée pour les gros moustiques tropicaux de Guyane), les petits nématocères tigrés d'ici font moins les malins. Je ne m'en tire finalement qu'avec deux piqures. Mais tout le monde n'est pas aussi bien équipé...
Au détour d'un sentier, j'ai la narine chatouillée par une puissante odeur de citronnelle. Intrigué, je m'écarte un peu du chemin pour voir quelle belle plante parfume aussi fort le sous-bois. Et je tombe sur... une jeune randonneuse, le visage couvert d'une moustiquaire (je ne saurai jamais si elle était blonde), en train de s'asperger le derrière avec de l'essence de citronnelle pour pouvoir se soulager sans risquer le torpillage en règle de son arrière train ! La belle, bien qu'en incommodante posture, dresse l'oreille au bruit de mes pas, et je continue ma route comme si je n'avais rien vu...
Après 1h30 de kayak et autant de marche, je découvre enfin les chutes waber, qui valaient le déplacement à elles toutes seules. Je m'installe sur un rocher, à leurs pieds, pour déballer la "linchebokse" (lunch-box) que m'a préparée Louise, et engloutir le casse-croute qui s'y cache (j'ai brûlé les calories des crêpes au sirop d'érable depuis longtemps déjà).
Je fais durer le chemin du retour pour profiter encore un peu du calme enchanteur de ce lac wapizagonke.

Ce soir, je me suis réservé une place à la maison Cadorette. La meilleure table de gibier de la région, tout le monde s'accorde sur le sujet. Je veux manger de l'orignal !
Malheureusement, le chef m'apprend que la bête étant protégée, il n'a pas le droit de m'en vendre. Il pourrait éventuellement m'en donner, mais pas le commercialiser. Sur ces conseils, je me rabats donc sur un filet de caribou préparé en sauce madère avec des petits champignons. Honnêtement, c'est une tuerie !
D'ailleurs, entre le cuistot et moi le courant passe plutôt bien. Je lui raconte que je suis tombé nez à nez avec un orignal au cap éternité, et lui s'installe carrément à ma table, me sort son album photo et part dans ses récits de chasse. Son père était boucher et j'apprends comment on apprête l'orignal, qu'il faut le vider pas plus d'une heure après l'avoir tuer, qu'il faut le découper en quatre quartier et le suspendre au plus vite à un arbre. Selon les conditions, on le laisse là entre 6 et 12 jours pour que la viande s'attendrisse (d'ailleurs à ce propos, ne jamais tuer un orignal qui court, ce sera de la carne). On le protège des moustiques avec un filet et on ne l'écorche que le jour avant de redescendre en ville. Alternativement s'il fait encore trop chaud (normalement la chasse à l'orignal a lieu en automne où il gèle la nuit), on le descend directement en ville pour le suspendre dans une chambre réfrigérée où il restera, du coup, plutôt trois semaines.
Tout ça recoupe parfaitement ce que m'en avez dit Réjean, autant que Jàanclôd. Et ça confirme, si besoin était, à quel point la chasse à l'orignal est ici une tradition, un rite et institution bien plus qu'un simple sport.
Ce matin, justement, je dois aller taquiner l'orignal. Mais ça commence mal. Le rendez-vous était fixé à 4h30 du matin. Sauf que mon ipod (seul réveil à disposition) est resté à l'heure d'hiver et je me rends compte comme un blaireau que non seulement j'ai une heure de retard mais que j'ai du faire poireauter mon guide pendant un moment. Je rappelle donc Jonathan qui avait déjà eu le temps de se rendormir, mais est toujours prêt à sauter du lit : "Si j'me présente dans une quinzaine de minutes, c'est y correct-lâ ?" Evidemment que c'est correct, je suis déjà super emmerdé de l'avoir planté comme ça...
Jonathan arrive donc. Il a 20 ans, il est blond comme les blés et porte une veste quicksilver marron ainsi qu'une casquette billabong brune (la version surfer hawaïen du trappeur canadien ;o).
Avant de partir, il souffle dans un engin vert qui brame comme un orignal en rut et la voiture démarre. Le loustic s'est fait choppé un peu éméché au volant de son quad et la maréchaussée, plutôt que de lui retirer son permis, lui a branché un éthylotest sur son démarreur. Très pragmatique la police ici.
On débarque le canoë sur le lac du fou (sans doute le meilleur spot à orignal du parc avec le lac gabet, c'est le patron de la maison Cadorette qui me l'a dit hier soir). J'adore pagayer en canoë, Daniel-Day Lewis et Michael Mann n'y sont sûrement pas pour rien, mais même au delà de toute référence cinématographique, le geste est d'une simplicité brute et authentique.
On pagaie pendant deux bonnes heures, explorant toutes les criques du lac du fou en prenant garde de toujours approcher contre le vent. On voit des canards à collier, des trucs à aigrettes rouges, des huards plongeurs, un castor, mais pô d'orignâl !
Ya pas d'allemands en sandales pour jouer les boucs émissaires, je ne peux donc m'en prendre qu'à moi et à mon satané ipod...
En arrivant à la voiture, Jonathan se rend compte qu'il a laissé les clés à l'intérieur. Et c'est la première fois que j'entends un québécois prononcer le mot "Tabernâk". Rien que pour ça, ça valait le coup.
On tourne, on cherche une astuce, mais on finit par casser la vitre parce que les mouches noires attaquent. Moi, je me suis bombé au DEET avant de partir donc elles se tiennent à distance. Mais Jonathan se fait dévorer tout cru. Elles sont méchantes ces saloperies : elles piquent et elles arrachent un bout de peau en partant. Jonathan a déjà une dizaine de cratères rouges sur le visage quand on s'arrache à la nuée. Ironiquement, c'est une des meilleures façons de voir l'orignal. Les mouches les rendent fous et ils se jettent dans le lac pour se soulager...
Voilà, mon trip sur la côte nord du saint laurent se termine. Je rejoins Montréal ce soir pour passer le WE avec Gwen et Antoine et la semaine prochaine j'irai faire un tour en ontario ou en gaspésie, c'est selon...

http://picasaweb.google.com/microsam/Mauricie?authkey=Gv1sRgCNfylZqWjtK4Ww#

permalink written by  Sam on June 11, 2009 from Grandes-Piles, Canada
from the travel blog: Sam au pays des caribous
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Sam, je viens seulement de lire dans la foulée tous tes commentaires depuis le début de ton trip et je me suis régalée !!! J'ai voyagé avec toi, ça donne trop envie !!!
Merci ! et hâte de te lire. MOn adresse mail si tu peux : Leticia.leclercq@wanadoo.fr.

Bizzz

permalink written by  leticia LECLERCQ on June 12, 2009


Mais c'est "Into the wild" en live!!! 1 véritable aventurier ce Sam au pays des caribous.

permalink written by  Julie Herman on June 18, 2009

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