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Oak Valley and aboriginal dive in

Uluru (Ayers Rock), Australia


Les moustiques attaquent au crépuscule, mais il y a une plaie diurne dont je ne vous ai pas encore parlé : ce sont les mouches. Elles ne piquent pas, elles bourdonnent vaguement, pourtant ça suffit à rendre fou. Elles cherchent l'humidité, et par 35°C à l'ombre, on en produit beaucoup : transpiration bien sûr, mais pas seulement, salive aussi, liquide lacrymal ou respiration. Et elles sont tellement nombreuses qu'elles finissent invariablement par trouver la source... dans vos yeux, votre bouche, ou votre nez. Les autochtones passent leur temps à se flageller les épaules avec des branches d'arbres pour les écarter.
Et les étrangers achètent des « Flies Net » (un filet qu'on s'enfile sur la tête, aussi disgracieux qu'étouffant). Anne ne le quitte pour ainsi dire jamais. Quant à moi, je le mets assez rarement parce qu'il donne chaud et qu'il est totalement impratique pour prendre des photos. Je marche donc la plupart du temps en utilisant la méthode des locaux, ou en essayant simplement d'ignorer ses charmantes bestioles.
Sauf que ce matin, une demi- heure avant l'aube (« Flies are clock » comme dit Steeve), dans notre campement de Oak Valley où nous avons dormi à l'abri d'une tente moustiquaire (un truc génial pour les pays où il ne pleut pas, on voit les étoiles, on sent la brise du soir et on est à l'abri de tout ce qui rampe, saute, ou vole).
Ce matin à Oak Valley donc, il fait encore nuit tandis que les mouches débarquent par milliers. Je ne suis pas réveillé, je n'ai pas mangé, je n'ai pas pris de douche et je cherche désespérément mon Fly Net dan nos sacs à la lueur de ma lampe frontale. Mais au bout de dix longues minutes, il faut se rendre à l'évidence : ON L'A PERDU. Je ne sais pas qui l'a perdu et je m'en fous. Tout ce que je sais, c'est qu'il faut démonter la tente, replier les swags et refermer la valise avec une nuée de saloperies qui me rentrent dans la bouche, se tassent sous mes paupières et m'obstruent les narines. Autant vous dire que mon humeur devient vite assassine et que malgré mes efforts pour contenir mes instincts meurtriers à l'encontre de la seule sous-race des drosophiles, tout le monde dans le camp a bien compris qu'il valait mieux ne pas m'emmerder. Anne me propose son filet bien sûr, mais je n'en veux pour rien au monde. J'ai juste envie de rester très très énervé et d'exterminer ces putains de mouches à coup de bombe au napalm (la perspectives des possibles dommages collatéraux me réjouit presque autant que la réparation de l'indéniable erreur commise par l'évolution avec cette aberration de drosophile).
Quand je finis par me dérider, Craig, notre hôte aborigène, est assis au pied d'un gros rocher et dessine dans le sable en même temps qu'il nous conte son histoire. Craig est un métis, comme son grand-père qui était le premier aborigène à la « milky skin» issu des brutalités encouragées par le gouvernement, il y a à peine cent ans encore, pour « assimiler » les populations autochtones. Il fut détesté par les siens (blanc chez les noirs autant que noir chez les blancs) et arraché de force à sa terre pour être élevé dans une famille blanche en le coupant de ses racines. Craig, qui flirte avec la quarantaine, fait lui aussi partie de cette génération volée (un terme qui prend un sens meurtrier quand on sait que la culture aborigène, totalement orale, est transmise en sautant une génération de grand-père à petit fils... car les parents, eux, sont occupés à assurer la survie de la famille).
Craig a étudié à l'université, parle parfaitement l'anglais, a voyagé, mais est revenu s'installer sur la terre de ces ancêtres. Et pour ça, il lui a d'abord fallu se battre. Huit ans de procédure pour prouver que sa famille avait une légitimité sur la terre des Rainbow Hills (une centaine de km carré). Pas de titre de propriété évidemment, pas plus que d'archive, pas la moindre trace écrite. Il a donc fallu accepter l'humiliation et le sacrilège de recevoir un anthropologue pendant plusieurs semaines, de le faire participer à toutes les cérémonies rituelles du clan et de lui conter les histoires secrètes qui servent de support à la connaissance de cet environnement hostile. Où est l'eau ? Où sont les ressources ? Quand et comment on les trouve ?
Au final, ce sacrifice a payé : Craig et les siens ont récupéré leurs terres, et avec une oliveraie et des vignes, la communauté aborigène de Oak Valley est devenue auto-suffisante tout en gardant ses racines. Un modèle du genre pour les blancs, comme pour les aborigènes qui envoient leurs enfants à Craig afin qu'ils leurs transmettent un peu de sa sagesse et de son savoir.
Craig n'accepte de recevoir que WayOutBack parmi les nombreux tours operators qui quadrillent la zone, parce qu'ils fait confiance au patron, et qu'il ne veut pas devenir trop gros. Il refuse de compter. Au delà de 4, c'est une poignée et si un ordinateur ou une calculatrice sont nécessaires pour calculer, c'est tout simplement qu'il ne faut pas le faire. Plus d'argent ne lui servirait à rien. Il n'a besoin que de ce qui est nécessaire pour faire vivre sa communauté.
Assis sous son rocher, il dessine dans le sable les symboles qui marquent le Tjukurpa. L'histoire de la création inscrite dans chaque élément du paysage (et qui n'a rien à voir selon lui avec le Temps du Rêve comme on le lit partout. Craig nous explique qu'un anglais a du voir un aborigène accroupi, les yeux fermés, psalmodiant le Tjukurpa et que l'anglais en a déduit que son ancêtre était dans une sorte de transe rêvée. Alors qu'il était juste dans une position de concentration pour essayer de se souvenir de l'histoire que son grand-père lui avait raconté des années plus tôt. Histoire dans laquelle il trouverait les clés pour survivre à un long voyage. Comment suivre la piste chantée en observant le paysage, où chasser, quand, quoi manger...)
Craig nous parle de Kunya, le serpent arc-en-ciel à l'origine du monde. Comment il a façonné la terre et laissé des marques de son passage dans le paysage. Il nous raconte l'arrivée des premiers hommes, partis dans toutes les directions et créant les huit zones de langages aborigènes. Son récit est émaillé de silences, des creux qui invitent au questionnement, mais qui marquent surtout la limite de ce qu'il est près à nous confier. Il pourrait parler pendant des heures et je pourrais en passer autant à essayer de vous retranscrire l'aura de cet homme capable d'accepter ce que les blancs lui ont fait pour vivre avec eux, capable de s'adapter aux dernières technologies pour faciliter la vie des siens, tout en restant fidèle à ses traditions. Il refuse de dormir sous un toit, il reçoit les clans alentours pour pratiquer les cérémonies rituelles, et il pratique la justice aborigène :
si tu es assez adulte pour commettre une faute, tu dois l'être aussi pour en assumer les conséquences. La punition peut aller d'une lance plantée dans la jambe à la mort par lapidation (autant dire que les lois du clan et celle de la justice australienne entrent régulièrement en conflit). Mais si Craig me plante une lance dans la jambe pour me punir, il a aussi la responsabilité de me soigner. Ainsi la prochaine fois qu'on se croisera c'est tout ce qu'il en restera.

http://picasaweb.google.com/microsam/OakValley#

permalink written by  Anne & Sam on March 24, 2010 from Uluru (Ayers Rock), Australia
from the travel blog: Australia, another step in Darwin's shoes
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